L’Agrumiste, marieur d’agrumes
Après avoir créé un verger de cent hectares au Maroc où il cultive et croise entre elles des centaines de variétés d’agrumes, Laurent Boughaba a ouvert L’Agrumiste à Paris. Depuis deux ans, ce temple des agrumes rend visible l’extraordinaire diversité de leurs goûts, formes et couleurs.
Du tangelolo au combava, du yuzu au citrangequat, de la lime de Tahiti au sudachi du Japon, en passant par toutes sortes de mandarines et de cédrats — dont la spectaculaire main de Bouddha : les amateurs d’agrumes trouveront leur bonheur au 82 rue de Sèvres, à Paris (7e).
L’Agrumiste y a ouvert il y a deux ans une petite boutique, qui sert de vitrine à sa principale activité : la production d’agrumes. Dans un verger d’une centaine d’hectares au Maroc, conduit sans engrais ni pesticides de synthèse et irrigué au goutte-à-goutte, entre 40 et 60 employés s’affairent tout au long de l’année à faire fructifier quelque 250 variétés d’agrumes, principalement commercialisés auprès de grossistes et de restaurateurs.
À l’origine, son fondateur Laurent Boughaba n’était pas « agrumiste », un terme inventé par son jeune fils. Né au Maroc d’un père marocain et d’une mère franco-vénitienne, il arrive à Paris à douze ans, y fait « de chouettes études », travaille dans le soin aux personnes âgées puis se demande, à quarante ans, ce qu’il aimerait transmettre à ses enfants.
Or, ce qui le fait vibrer, c’est « la beauté dans la diversité ». Le désir de renouer avec ses terres ancestrales, le jeu des rencontres et l’amitié avec des chefs amateurs d’agrumes font naître sa vocation. Il parcourt le monde pour récupérer une multitude de variétés et plante un verger au Maroc.
Quatre familles et des milliers de descendants
« L’immense majorité des agrumes sont nés il y a plus de cinq mille ans, dans les pays de l’Himalaya : Chine, Népal, Laos, Vietnam… raconte ce passionné. À l’origine, tous sont issus de quatre espèces : le pamplemousse, la mandarine, l’ichang papeda et le cédrat. Seule cette dernière famille — qui comprend les citrons — est née près de la Méditerranée. »
Ils se sont diffusés dans le monde par la dispersion de leurs pépins, et de nouvelles variétés se sont créées par hybridation naturelle : dans la nature, les abeilles qui butinent le pollen d’une variété d’agrume puis le mélangent à une autre créent un hybride.
Dans son verger, Laurent Boughaba joue à l’abeille, déposant le pollen d’une fleur sur le pistil d’une autre. En contact régulier avec l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, il a déjà testé 2 000 nouveaux croisements.
Pour devenir des variétés officiellement reconnues, il faudra prouver qu’elles donnent des fruits aux caractéristiques nouvelles, homogènes et stables dans le temps. Celles-ci sont ensuite reproduites par greffage (pas question de s’en remettre à la nature, car on ne sait jamais ce qui sortira d’un pépin : il suffit qu’une abeille ait ramené du pollen étranger et voilà qu’un hybride surprise est créé !).
Nouvelles créations
«C’est devenu ma passion : marier ces deux cent cinquante variétés pour en faire des bébés, partage le pétillant agrumiste. C’est un truc de dingue tout ce qu’on peut créer, on est loin d’en avoir fait le tour ! »
Illustration avec le citron caviar Red Lemon, une création maison. Ce mariage d’un citron caviar Vanessa et d’une clémentine Caffin donne un fruit croquant, acidulé, révélant des notes légèrement mentholées. «Le résultat n’est pas un mélange des deux parents mais un peu de la maman, un peu du papa, et un peu de magie, reprend le marieur d’agrumes. Avec un peu de curiosité, on crée de très belles choses en les rapprochant d’autres belles choses. C’est la petite mission que je me suis donné en créant cette boutique : j’invite les gens à réaliser l’extraordinaire beauté née de la diversité ! »
Extra-frais
Si le chiffre d’affaires de la boutique rue de Sèvres pèse peu en regard de l’activité auprès des grossistes et restaurateurs, elle permet de faire découvrir au grand public une diversité d’agrumes méconnue. C’est aussi un lieu où sont régulièrement accueillis des chefs cuisiniers, pâtissiers et confiseurs pour découvrir et tester de nouveaux fruits.
Ils y apprivoiseront, par exemple, le sudachi, un petit agrume très acide aux notes poivrées ; et trouveront du yuzu cueilli à différents stades de maturité (vert, jaune ou orangé).
Les produits ne sont pas cirés pour permettre d’en utiliser le zeste, et ils sont toujours extra-frais : il ne s’écoule pas plus d’une semaine (plutôt trois jours en moyenne) entre la récolte et la mise en vente. Des livraisons par Chronofresh (24 ou 48 heures) sont aussi effectuées pour les chefs établis en régions. La vaste gamme d’agrumes, ayant chacun leurs périodes de floraison et de fructification, permet un approvisionnement tout au long de l’année.
Le magasin met également à l’honneur les fruits du verger marocain transformés par de talentueux artisans et vendus en exclusivité par L’Agrumiste : biscuits, confitures, sirops, liqueurs, gin, cakes, guimauves…